Cinq trouvailles au Festival BD de Montréal
Leif et moi étions en train de profiter du soleil dans le parc La Fontaine quand on a découvert par hasard le Festival BD de Montréal. Voici les 5 BDs que j'ai déniché ce samedi !
Cette fin de semaine, Leif et moi étions en train de profiter du soleil dans le parc La Fontaine quand on a découvert par hasard le Festival BD de Montréal. J'ai trouvé 5 BDs formidables (et rencontré plusieurs des autrices! RIP ma carte de crédit...) et j'ai décidé de les partager ici.
Il n'y a pas vraiment de sujet qui les relie ensemble à part qu'elles conforment toutes à mes goûts de scénario ou de style d'art. Mais dans cette petite liste on retrouve des BDs très queer, qui se déroulent à Montréal, en anglais, en français, de genre fantastique ou science-fiction ou réaliste, y compris une qui parle de manière sensible sur les histoires de résistance et résilience des premiers peuples autochtones de l'Amérique du Nord face à la colonisation.
Without further ado, lançons-nous !
Paint the Town Red Vol 1.1 de J. Kiakas et Tasha Mukanik
Comédie romantique queer et polyamoureuse, figurant la nouvellement loup-garou Winona qui s'occupe du refuge Barlowe pour personnes supernaturelles avec son amie Odile, une autre loup-garou. Un soir, Winona retrouve la vampire Vic blessée et en détresse sur le seuil du Barlowe, et sous peu il devient impossible d'ignorer la connexion qui se noue entre elles...
Une BD toute nouvelle avec un coup de pinceau très stylé et des personnages extrêmement adorables, et les volumes 1.2 et 1.3 sortiront bientôt. J'ai hâte à la suite ! (À ce que je sache, il n'existe pas encore de traduction française de la BD.)
L'armée du soleil d'Anouk
Un début d'aventure mystérieux ! Les deux elfes Anaïs et Wilhem ainsi que le nain Fritz sont un trio d'aventurier en voyage sur la mer quand leur bateau coule près des côtes d'une île inconnue, enneigée, et remplie de morts-vivants... La suspense et la tension sont palpables dans cette histoire où les aventuriers frôlent la mort, révèlent petit à petit des détails sur leurs origines, et doivent réapprendre à se faire confiance.
Même si le cadre de l'histoire est quand même très familier pour une personne qui joue à beaucoup de Dungeons et Dragons, j'ai trouvé les conflits entre les personnages bien réalisés et je vais continuer de suivre l'histoire. (Anouk, l'artiste, est aussi la créatrice de BDs queer, donc j'ai espoir que des histoires queer vont se mêler à l'aventure !)
Corps Sonores de Julie Maroh
J'étais immédiatement attiréE par la couverture figurant la vue du sud-est de Montréal du haut du Mont Royal en plein automne. Ce roman graphique, réalisé par l'autrice de Blue Angel Julie Maroh, contient 21 courtes histoires — comme des nouvelles en bande dessinée — sur les fracas ainsi que les moments doux et mélancoliques entre les personnages (et leurs corps) différents, pendant toutes les étapes de leurs liaisons ou relations.
La plupart de ces courtes histoires sont essoufflantes et particulièrement précieuses puisqu'elles semblent si éphémères. On y reconnaît facilement Montréal, le Plateau, le centre-ville, la montagne. On se reconnaît facilement dans les personnages aussi, quand ielles discutent le polyamour, comment exister dans un corps trans, les drames des relations lesbiennes, la violence (autoinfligée ou non) de l'infidélité, comment la santé pèse lourd sur les relations quand ça tourne mal...
Comme Julie Maroh écrit dans son introduction:
La danse quotidiennes des normes et des stéréotypes nous rappelle à quel point le corps est politique. Tout comme nos états amoureux. Le couple hétérosexuel monogame, blanc, beau et à l'éternel sourire de dentifrice, reste dans l'inconscient collectif le schéma souverain de l'état amoureux. Où sont les autres réalités? Où est la mienne?
Corps Sonores répond donc à ces questions, de manière parfois surprenante mais toujours émotive, et présentant Montréal dans toute sa beauté.
La fille dans l'écran de Manon Desveaux et Lou Lubie
Préparez-vous à pleurer ! Mais des larmes de joie, heureusement. Peut-être que c'est mon âge, ou peut-être que je suis encore trop sensible, mais la différence entre ma jeunesse pendant les années '90 et début '00, et aujourd'hui est incroyable. Il existe une telle quantité d'histoires lesbiennes et queer avec des happy endings, et quand je pense à l'ado que j'étais à 15 ans qui n'osait même pas imaginer...
J'espérais que La fille dans l'écran serait une histoire entre une Montréalaise et une Française, mais en fait l'histoire se passe entre Coline, une Française qui habite la campagne avec ses grands-parents, et Marley, une Française installée à Montréal depuis ses études. Mais l'histoire, et l'exécution, est assez belle que finalement ça ne me dérange pas du tout !
(Un spoiler très bref suit, sautez ce paragraphe si vous ne l'avez pas encore lu !) Ma seule « critique » n'est même pas une vraie critique, mais une observation: le personnage de Vincent, l'homme avec qui Marley est en couple, serait caricatural s'il n'existait pas des milliers d'hommes comme lui ou pire. Chaque fois qu'il agissait de manière à écarter Marley, je grognais avec impatience — mais je sais que ce n'est pas parce que le personnage est mal écrit ou réalisé. Il existe vraiment des hommes exactement comme lui. Men are the worst!
Je me suis facilement reconnuE dans les deux personnages principaux: dans l'anxiété incontrôlable et rongeuse de Coline, dans l'engluement de Marley. Dans ce sentiment de manquer d'appartenance avec la terre, avec le lieu dont je me trouve. Et dans la frustration artistique, surtout !
Enfin, très belle histoire d'amour et d'épanouissement personnel que je recommande fortement, qui démontre avec ingénuité et originalité comment une relation à longue distance à travers des écrans peut nous réveiller à la vraie vie et devenir une force transformatrice pour l'épanouissement.
This Place — 150 Years Retold
Contributeurs (je tiens à les nommer tous-tes car ce recueil est un chef d'oeuvre) :
- Avant-propos: Alicia Eliott
- Scénaristes : Kateri Akiwenzie Damm, Sonny Assu, Brandon Mitchell, Rachel and Sean Qitsualik-Tinsley, David A. Robertson, Niigaanwewidam James Sinclair, Jen Storm, Richard Van Camp, Katherena Vermette, Chelsea Vowel
- Illustrateurs et Coloristes : Tara Audibert, Kyle Charles, GMB Chomichuk, Natasha Donovan, Scott A. Ford, Scott B. Henderson, Ryan Howe, Andrew Lodwick, Jen Storm, Donovan Yaciuk
Bon, je triche un tout petit peu. Depuis samedi après-midi, j'ai fait de mon mieux de lire mes 5 nouvelles bandes dessinées aussi rapidement que possible, mais je n'ai pas encore terminé de lire This Place. Mais ce que j'ai réussi à lire jusqu'à présent est franchement exceptionnel.
Notamment, Warrior Nation de Niigaanwewidam James Sinclair et qui traite de la crise d'Oka est resté avec moi. La crise d'Oka était une confrontation historique entre le peuple Kanien'kéha:ka (Mohawk) de Kanehsatake et Kahnawake et l'armée canadienne, un évènement très mal compris par la société settler (colonisatrice) québécoise et canadienne. On le découvre à travers les yeux d'un jeune homme Anishinaabe, Washank, venu de Winnipeg avec sa mère pour se présenter solidaire avec les premières nations de Kanehsatake et Kahnawake contre la Sûreté du Québec (police provinciale du Québec) et l'armée canadienne.
Je conseille en particulier ce roman graphique au Québécois. On aime beaucoup parler de notre résistance ici, face aux cultures impérialistes anglo-saxon, américain, canadien-anglais... Mais au Québec on ignore délibérément notre propre rôle dans le génocide et la colonisation continus contre les First Nations et Inuit.
Donc, lisez This Place et apprenez un peu plus sur l'histoire que l'on connaît tous déjà si mal de l'apocalypse canadien et québécois.
- This Place sur le site de Portage & Main Press
- Kanehsatake: 270 Years of Resistance, documentaire réalisé en 1993 par Alanis Obomsawin. Disponible gratuitement sur YouTube. Je le conseille fortement.