Notes de lecture sur Ciel 2. Dans Toutes Les Directions de Sophie Labelle
«Ciel 2» nous montre une expérience d'école secondaire positive pour un personnage trans, sans toutefois oublier complètement la réalité qu'il est encore très difficile d'être un-e ado queer ou trans «sorti-e du placard» au secondaire ici au Québec.
Un roman de jeunesse francophone québécois avec une protagoniste nonbinaire?
(Quelques spoilers — pas tous minimes — pour le 1er et 2e tome de Ciel suivent ci-bas. Continuez à vos risques et périls. Veuillez aussi noter que le personnage de Ciel utilise le pronom «elle» en ce moment, mais que ça pourrait peut-être changer dans un futur livre...)
Quelle joie de retrouver le deuxième tome de la série de romans Ciel de Sophie Labelle ! J'ai dévoré le premier, paru il y a un an, d'un trait. Je lis peut-être un ou deux livres «YA» (Young Adult, ou roman jeunesse) par an, et j'avoue que je ne connais pas super bien le genre. Mais quand j'ai découvert l'an passé que Sophie Labelle avait publié un roman figurant une protagoniste nonbinaire au secondaire à Montréal, je savais qu'il fallait que je le lise.
Ciel 2. Dans Toutes Les Directions est un petit bouquin qui suit de nouveau le parcours de Ciel, qui continue de s'épanouir petit à petit avec un cercle d'ami-e-s croissant et une petite aventure amoureuse charmante pour ranimer son coeur après avoir cassé avec son petit ami Eirikur (évènement tragique du premier tome).
Voici quelques parties du livre qui m'ont marqué:
- J'ai beaucoup aimé la partie du livre qui s'est déroulée sur la Plaza St-Hubert. Quand j'étais jeune, mon grand-père (un tailleur par métier qui est venu en Amérique à l'âge de 17 ans pour travailler dans les usines textiles) nous emmenait quelques fois par an pour parcourir cette rue à la recherche de tissu. On y allait juste avant mon anniversaire en octobre, parce qu'il me cousait souvent mon costume pour l'Halloween. Enfin, avec le temps la Plaza St-Hubert ressemble de moins en moins à mes souvenirs d'enfance. Mais des boutiques de tissus demeurent encore, et c'est une rue que j'aime beaucoup visiter en personne et à travers ce roman. J'ai trouvé la scène entre Frank, Stéphie et Ciel dans la boutique de tissu touchante, et elle a concrétisé moi le personnage de Frank en particulier. Du premier tome je savais que Frank avait un bon fond, puisqu'il sort avec Stéphie, mais un peu comme la protagoniste Ciel il y avait un petit fossé entre lui et moi. (J'avoue que je ne suis pas de près la BD Assignée Garçon donc c'est vraiment à travers ces livres que je découvre les personnages pour la première fois!) Les attentes hypermasculines placées sur les garçons sont étouffantes, et le fait que Frank désirait explorer la couture même contre les souhaits de ses parents m'a touché! Go Frank!
- J'ai beaucoup aimé être témoin de l'épanouissement de Ciel — surtout du côté social. On savait du premier livre que Ciel avait une petite chaîne YouTube donc elle a l'habitude de s'exprimer. Pendant Ciel 1 on avait l'impression que Ciel profitait un peu du pseudo-anonymat de parler à travers un écran, et gardait de l'espace entre ses paroles sur l'internet et avec ses camarades au secondaire. Dans Ciel 2 ça commence à changer et elle fait des vagues, surtout avec Maël-le, un-e étudiant-e de 4e secondaire qui devient son ami-e et un peu comme un-e mentor-e. Ciel mentionne même que, un jour si le pronom iel devient plus répandu, que c'est le pronom qu'elle voudrait utiliser. (Peut-être un commentaire de l'auteur? Je me demande quelle serait la réaction d'une maison d'édition face à un livre où le personnage titulaire utilise un néopronom.) J'aime tellement que Ciel nous montre une expérience d'école secondaire positive pour un personnage trans, sans toutefois oublier complètement la réalité qu'il est encore très difficile d'être un-e ado queer ou trans «sorti-e du placard» au secondaire ici au Québec.
- Une petite montée de tension qui fait grandir l'impatience pour le troisième volume! Je m'explique: si Ciel 1 chronique une Ciel qui apprend à être bien dans sa peau, et que Ciel 2 se penche en peu plus sur son épanouissement social et son histoire d'amitié et amour avec Liam, j'ose prédire que Ciel 3 va se pencher un peu plus sur comment Ciel navigue un plus grand monde, au delà des portes de sa polyvalente ou de son écran YouTube. Dans Ciel 2, nous avons la sortie d'une entrevue avec Ciel et Maël-le dans un journal montréalais et les réunions au centre jeunesse LGBTQ+ (tristement imaginaire! J'en avais besoin, moi, d'un centre pareil quand j'étais un-e jeune ado queer et nonbinaire), quelques évènements parmi d'autres qui présagent que Ciel commence à prendre plus de place sur scène. Ciel découvre aussi avec son amie Samira quelques nuances politiques de son école secondaire quand elles décident de se présenter aux élections étudiantes ensemble pour déposer Jerôme-Lou et d'ouvrir leur Alliance LGBT-Alliés non seulement à plus d'élèves queer et trans, mais aussi spécifiquement aux étudiant-e-s racisé-e-s. Nuances politiques qui, d'ailleurs, englobent les adultes de la polyvalente — comme Jean-Guy le responsable de la vie étudiante, qui veut lui aussi protéger le statu quo. J'espère qu'on verra plus de Jean-Guy, ce «vilain» !
Je vous laisse ici, car on commence à sortir de mes impressions et on rentre dans mes hypothèses sur la continuation. Pour finir : j'ai beaucoup aimé ce livre et j'ai hâte au prochain!